Bibliographie Michel Nicolaïevitch KOMAROFF-KOURLOFF

Je suis né pendant la guerre, en janvier 1943. A cette époque-là, mes parents travaillaient et j’ai été élevé par ma grand-mère maternelle, ma chère babouchka. Elle ne parlait pas très bien le français, en plus avec un accent très prononcé et elle me parlait donc en russe.
Lorsque je suis entré à l’école, une école communale catholique, je ne parlais quasiment pas le français. Rapidement je maitrisais la langue de Molière à tel point que j’étais toujours très bien classé en dictée, orthographe, grammaire, rédaction et même en instruction religieuse.
A l’époque, le jour de congé hebdomadaire à l’école était le jeudi. C’est ce jour-là que fonctionnait une école russe, située dans les locaux adjacents à la Cathédrale orthodoxe russe St Alexandre Nevski dans le 8me arrondissement de Paris. Avant les cours, il y avait toujours une prière à l’église, puis les cours commençaient. Instruction religieuse, langue russe, histoire, géographie, littérature, etc… C’était l’école russe du jeudi. Elle était dirigée par une femme admirable, Taïssa Vassilievna Spassky, l’épouse du grand Maitre de Chapelle Pierre Spassky.
Je commençais à servir la messe vers l’âge de 10 ans. Le Chef de l’église était alors le Métropolite Wladimir, un saint homme. C’est lui qui me nomma hypodiacre en 1958.
Cette Cathédrale a toujours été ma paroisse. J’y allais souvent à pied ; j’habitais une banlieue au nord, proche de Paris. J’y ai servi la messe, j’y suis allé à l’école, j’y ai été nommé hypodiacre. Plus tard, j’y ai chanté.
Mon père y a été Secrétaire du Conseil épiscopal ; c’est lui qui a démarré les visites au public.
Il y était très attaché et il était très estimé. Il a même reçu un diplôme signé de Mgr Georges.
Le jour de St Nicolas – c’était son prénom – il était prêt à s’y rendre pour les vêpres quand il a eu une attaque cérébrale. Il est décédé deux jours plus tard, le 21 décembre 1994.
En 1959, décès de ma grand-mère paternelle, la veuve du Général, née Comtesse Armfeld.
Après des études avortées de Médecine, j’ai accompli mon service militaire qui était de 18 mois. J’ai été Lieutenant parachutiste et j’ai eu là ma première expérience de commandement.
En mai 68, je pars à Tahiti dans le cadre des essais nucléaires, en tant que technicien dépendant du Commissariat à l’Energie Atomique.
De retour à Paris, j’ai démarré une première carrière professionnelle en janvier 1969 qui m’a fait beaucoup voyager à travers le monde.
En 1970, je me marie avec Mireille Gamet.
Nicolas nait le 21 juin 1971 à Neuilly sur Seine.
C’est cette année-là que je suis nommé Directeur au Canada où je suis resté 5 ans.
Dans ce pays, je fréquente la communauté russe et je suis paroissien d’une Cathédrale orthodoxe russe à Montréal.
Valérie nait le 21 novembre 1973 à Montréal.
En 1976, je reviens à Paris.
Je suis nommé Directeur Général en Suisse et je suis basé à Genève où je reste jusqu’en 1982.
Je fréquente la Cathédrale orthodoxe russe de Genève.
Mes enfants vont à l’école puis au lycée à Annemasse. Je les inscris à une école russe une fois par semaine, comme je l’ai fait moi-même, quelques décennies plus tôt.
Je reviens avec ma petite famille à Paris en 1983.
C’est en 1983 que décède ma chère babouchka.
J’achète, avec un associé, le fonds de commerce de l’institution russe de Paris « A la Ville de Pétrograd ». J’en suis le Directeur, mon associé s’occupant de l’administration. Les affaires marchent très bien. Nous achetons le fonds de commerce d’une épicerie russe réputée dans le 16eme arrondissement « Le Régal ».
C’est à cette époque-là que je rejoins la chorale d’Ariane Gabard, qui, de temps en temps, remplaçait la chorale officielle de la Cathédrale.

En 1988, je me sépare de mon associé qui, de statut de « sleeping partner », devint quelqu’un de vindicatif et arrogant. Je lui brade mes parts et j’achète une pizzéria dans le 9eme arrondissement que je transforme, à grands frais, en restaurant-traiteur russe.
Mon ex-associé meurt peu après d’un AVC, à bord de sa Porshe.
Je divorce de Mireille en 1988.
Mon nouveau restaurant s’appelle « Le Komarov ».
Il est situé près de l’église N.D. de Lorette. J’ai plusieurs activités : restauration, traiteur, cabaret, organisateur de soirées russes et fournisseur de clients prestigieux tels que Hédiard, la Grande Epicerie de Paris, les magasins Flo Prestige, etc…
J’organisais des soirées prestigieuses, notamment à l’ambassade de Russie, rassemblant 350 personnes, en m’occupant de tout.
Je continue à fréquenter ma paroisse.
Mon père décède en 1994.
En 1997, catastrophe. Je fais faillite. Mon restaurant a coulé à cause d’une histoire d’eau – ce qui est un comble pour un restaurant russe.
Je suis ruiné, déprimé, anéanti.
Le Ciel m’envoie Marie-Noëlle, une Lorraine née à Baccarat.
Je quitte Paris et je déménage chez elle à Nancy.
C’est une nouvelle page de ma vie qui démarre.
En 1998, nous ouvrons un restaurant russe dans le vieux Nancy mais les Lorrains sont assez particuliers et n’adhèrent pas au nouveau concept parisien de notre établissement.
Nous déposons le bilan en 2000.
En dehors des mauvaises conditions matérielles et financières, ce fut une période très pénible pour moi sur le plan spirituel. Il n’y avait pas de paroisse orthodoxe russe à Nancy. Dans les années 80, j’étais venu chanter la liturgie, avec le chœur d’Ariane Gabard dans une église de Nancy où se déroulaient régulièrement des messes orthodoxes. Mais, à mon arrivée dans la cité ducale, elle n’existait plus. Des Serbes s’installaient dans une église catholique qui leur avait été prêté ; ils me la proposaient pour une périodicité mensuelle. J’ai essayé d’en parler à Paris mais je n’ai pas eu d’écho à mon appel. Des Roumains officiaient dans le sous-sol d’une basilique catholique. J’y suis allé plusieurs fois, notamment à l’occasion de fêtes religieuses importantes mais je ne retrouvais ni l’atmosphère ni la spiritualité de ma paroisse parisienne. Je suis aussi allé quelques fois à Strasbourg mais c’est à 100kms de Nancy. Je suis aussi allé à Metz mais tout était en français. C’est là que, par hasard, je suis tombé sur le père Nicolas Nikichine. J’avais lu, dans le journal local, qu’une liturgie dominicale allait être célébrée à l’église St Nicolas de Nancy. Nous nous y rendons, avec Marie-Noëlle, et nous découvrons là le père Nicolas qui, tout seul, officie, simultanément en slavon et en français. Bouleversé et admiratif, je me présente à lui à la fin de la cérémonie et lui propose mon aide. Je suis hypodiacre et je peux certainement le soulager, d’une manière ou d’une autre. De l’église StNicolas, dont le toit risque de s’écrouler, le père Nicolas traverse la rue pour se réfugier chez les sœurs de la Doctrine Chrétienne qui l’accueillent et lui mettent à disposition leur chapelle. Puis notre prêtre fait la connaissance d’un homme remarquable, feu le Recteur de la basilique St Nicolas-de-Port, le père Jean-Louis, très orthodoxophile qui lui met à disposition la chapelle d’hiver de la basilique. Je fais moi-même connaissance du père Jean-Louis et nous nous sommes liés d’amitié.
La basilique, de style gothique flamboyant, est érigée aux 15eme et 16eme siècles par RenéII ,
Duc de Lorraine et de Bar, en « action de grâce » pour la victoire contre le Duc de Bourgogne Charles le Téméraire, lors de la bataille de Nancy le 5 janvier 1477 qui a permis à la Lorraine ducale de rester indépendante. Dans son Trésor, elle renferme une précieuse relique de St Nicolas : sa phalange de la main droite qui est l’objet de pèlerinage majeur avec les traditionnelles processions qui perdurent jusqu’à nos jours. Aujourd’hui encore, ces processions, le jour de la St Nicolas, rassemblent des milliers de fidèles qui, bougies à la main, font le tour intérieur de la basilique.
Fortement détériorée pendant la seconde guerre mondiale, elle est restaurée à partir de 1983 grâce à Camille Croué Friedman, une riche Portoise mariée à un Américain. Au cours d’une croisière, ayant fait naufrage, elle en réchappe et attribue ce sauvetage à St Nicolas. En remerciement, elle lègue, à son décès à New York en 1980, 5 millions de dollars à la basilique.
Elle est consacrée basilique en 1950 par le Pape Pie XII.
Le père Jean-Louis Jacquot est décédé en 2017, des suites d’un cancer des reins. Je n’ai jamais assisté à une messe d’enterrement aussi impressionnante. Etaient présents l’évêque de Nancy, une centaine de prêtres dont quelques orthodoxes-dont le père Nicolas- et la basilique était bondée de fidèles.
En 2012, un terrible drame me marqua à vie. Mon fils, Nicolas, cavalier accompli, décède d’un accident de cheval, à l’âge de 41 ans. Il était musicien-chanteur, très apprécié de ses pairs. Un hommage bouleversant lui est rendu par l’orchestre de balalaïkas de St Georges dont il faisait partie en la Sainte Chapelle à Paris.
Je retourne au travail. Je dirige une galerie d’art à Nancy ; je suis directeur commercial chez un fabricant de matériel de thalassothérapie qui est venu me débaucher à Nancy ! Ses bureaux se situent dans la grande banlieue parisienne.
Et je reprends une activité que j’avais exercée quand j’étais étudiant chez un ami russe de longue date : chauffeur de grande remise.
Je pilotais et coachais des personnalités, russes pour la plupart, de passage à Paris. C’est ainsi que j’ai accompagné pendant une dizaine de jours Mikhaïl Kalachnikov, le célèbre créateur du fusil-mitrailleur qui, en fait, s’est révélé quelqu’un de très intéressant, érudit, et même poète à ses heures.
Après avoir travaillé pendant plusieurs années avec feu mon ami historien Pierre Rosniansky, nous avons traduit en français les mémoires de mon grand-père, le général Paul Kourloff sous le titre « l’Agonie de la Russie impériale » et nous les avons publiées chez l’Harmattan en 2015.
Février 2017 : Décès de ma maman chérie.
En octobre 2017, en vue de mon ordination diaconale, j’épouse religieusement Marie-Noëlle en ma paroisse à Paris.
En 2020, année de triste mémoire à cause de l’affreuse pandémie du coronavirus, je sors mon C.D. « Lumières d’antan . Micha Komarov ».
Depuis tout petit, je chante. J’ai chanté autour des feux de camp chez les « Vitiaz » où j’étais clairon. J’ai chanté dans le chœur d’Ariane Gabard. J’ai chanté pour mes parents, pour mes amis. J’ai chanté dans mes restaurants. J’ai chanté salle Gaveau à Paris, lors des soirées organisées par mon ami Wladimir Fedorovsky. J’ai chanté avec mon fils, avec presque tous les musiciens russes de Paris. Je chante aux concerts d’Olga Zimovetz à Nancy. J’ai toujours chanté. Au soir de ma vie, j’ai décidé d’enregistrer un album avec des musiciens exceptionnels.
Le 8 janvier, j’ai été ordonné Diacre par le Métropolite Jean en la cathédrale St Alexandre Nevsky.
J’ai atteint la consécration, tant sur le plan artistique avec ce disque que sur le plan spirituel avec cette ordination.
Je pense que feus mes parents, mon fils, mes amis sont fiers de moi.
Aujourd’hui, mon vœu le plus cher serait de faire une retraite dans un couvent de ma chère Russie afin de pratiquer, d’améliorer et de me familiariser avec le Diaconat.